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Conférence - Les procès en France du génocide des Tutsi au Rwanda
Publié le 20 septembre 2024 – Mis à jour le 24 octobre 2024
Conférence de rentrée du Collège de droit
Intervenante :
Sabrina Goldman, Avocate au Barreau de Paris, ancienne secrétaire de la Conférence des avocats au Barreau de Paris
Résumé de conférence
Rwanda, un génocide aussi rapide que destructeur
Un crime orchestré contre un groupe ethnique, réfléchi à la vue de la rapidité d’exécution, généralisé à tout le territoire et non seulement à une petite partie de la population, mais qui incite également à la haine.
Voilà la définition d’un génocide.
Environ 100 jours, seulement 3 mois, et 800 000 à 1 million d’hommes, femmes et enfants tués.
Voici le constat du génocide des Tutsis au Rwanda qui prit fin en juillet 1994.
Un génocide au Rwanda ?
La conférence de Maître Goldman, avocate pénaliste au barreau de Paris, organisée par le collège de droit visait à nous parler de ce sujet assez peu évoqué ni rappelé.
Le génocide du Rwanda (Afrique de l’Est) fait partie des trois génocides du XXe siècle, parmi la Shoah, ou encore celui des Arméniens.
Les exactions commises au Rwanda ont cela de particulier qu’elles sont d’une rare violence, c’est un carnage orchestré, planifié, pensé pour éliminer une ethnie en un temps record.
Mme Goldman parlera d’une efficacité également symbolique.
En effet, on constate une inventivité cruelle des tueurs qui vise à humilier, exécuter de manière sordide les Tutsis (certains, vont jusqu’à sanctionner le tendon d’Achille de certains Tutsis pour éviter leurs fuites).
Il est clair que ces crimes ont tout d’un génocide.
Une tentative d’éradiquer totalement une population ethnique non pas pour ce qu’ils ont fait, mais pour ce qu’ils sont.
On parle ici également d’un massacre de filiation.
Le but ? Empêcher tout avenir biologique.
Viols, massacres, besoin d’humiliation d’une culture, la violence est au cœur de ce génocide.
Il s’agit aussi d’une certaine politique d’incitation à la haine notamment à travers la Radiotélévision libre des Mille Collines.
Le rôle des états occidentaux dans ce génocide pose question.
En effet, l’indifférence, la défaillance de réaction ou la lenteur d’intervention de la communauté occidentale reste un problème majeur, qui interroge.
Cette presque ignorance donna une certaine légitimité au génocide et aux génocidaires.
Ce crime puisa sa source d’une idéologie raciste introduite par les européens dès la fin du XIXème
siècle, résultant d’un sentiment d’infériorité depuis de nombreuses années.
Au départ, on évitait la question du racisme, on parlait de guerre tribale, interethnique, un conflit entre deux populations, mais cela cachait une pure discrimination.
Pourquoi avoir jugé ces crimes en France ?
C’est le principe de la compétence universelle qui s’applique dans ce cas.
Car oui, même si un crime n’a pas été commis sur notre territoire, impliquant des Français ou comptant des victimes françaises, la France dans le cadre du droit international et des conventions internationales peut juger des crimes contre l’humanité.
Comment a-t-on enquêté sur ce génocide ?
En 2013, se forme l’office central contre les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.
Cet office traite des dossiers dans différents pays, et recueille des témoignages, organise des auditions de certains génocidaires prend des photos, se rend sur les lieux, fait des plans, des schémas ou encore reconstitue parfois les évènements.
Alors qu’elle fut la sanction contre les principaux génocidaires ?
Les procès furent longs, jusqu’à 20 ans pour certains.
De plus, il y eut beaucoup de non-lieux, des dossiers qui n’ont pas vu le jour.
On compte alors pour ce génocide huit procès en France pour six affaires.
Des historiens également sont cités par la défense.
La Défense qui pour disculper leurs clients amènera plusieurs thèses :
D’abord, celle du double génocide, un génocide miroir, ils prétendront que des exactions avaient été
commises des deux côtés afin de minimiser le premier génocide, et de trouver un autre coupable.
L’autre thèse avancée est l’absence de planification.
Le premier procès fut celui de Pascal Simbikangwa, ancien capitaine de la garde présidentielle, en 2014,
qui fut condamné à 25 ans de réclusion criminelle.
Le deuxième procès concerna Octavien Ngenzi, jugé en 2016, jugement une fois de plus d’un tueur, mais un tueur ayant donné des ordres et participé à très haut niveau au génocide.
Étant ancien maire, il était le relais au niveau local de ce conflit, il encadrait les massacres et avait une forte autorité sur les policiers communaux.
Il fut condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.
Le troisième procès fut celui du chauffeur des miliciens, condamné à 14 ans de prison.
S’ouvrit également le procès de Laurent Bacyibaruta, ancien préfet de la préfecture de Gikongoro.
Complice du génocide, par son absence de réactions, il avait le pouvoir légal de s’opposer au crime mais sa seule présence valait encouragement.
Il sera condamné lors du quatrième procès à 20 ans de réclusion criminelle.
Deux autres procès condamnèrent un médecin du parti politique extrémiste, un des premiers à avoir eu l’idée d’un génocide, et un adjoint en chef qui lui aussi avait joué de son influence durant les crimes.
Les témoignages durant les procès sont ceux des survivants, des membres de la famille, de certaines victimes, mais encore des génocidaires (souvent des exécutants).
Le rôle de Maître Goldman dans le procès a lui aussi été incontournable, avocate de la LICRA (ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme), celle-ci s’est constituée partie civile, et Mme Goldman plaida en faveur des victimes.
Comment prendre du recul sur ces procès historiques ?
Il est important de souligner que ces procès sont singuliers, on prend en compte la mémoire traumatique qui est très complexe et qui ne peut pas toujours coïncider avec le besoin constant de donner des détails.
En effet, le témoignage est un grand défi de ce procès.
D’autres aléas entrent aussi en compte notamment la mort des accusés durant le procès.
On crée l’histoire avant le jugement, donc les accusés sont souvent âgés lors de leur comparution.
Le plus important à mon sens, est le fait que les victimes soient reconnues en tant que tel, mais surtout que les génocidaires soient jugés, ce qui représente une peine symbolique sous le chef de crime contre l’humanité.
Ces grands procès sensibilisent selon moi la communauté internationale à réagir et intervenir rapidement pour éviter que de tels massacres ne se reproduisent.
C’est qu’a voulu mettre en lumière Maître Goldman : affirmer le terme de génocide, c’est amorcer une
victoire à l’égard de toutes les victimes.
Juliette Brouillet.
Deuxième année de licence de droit/science-politique.
Informations
Le 23 septembre 2024 De 17:00 à 20:00
Campus de la Manufacture des Tabacs
Amphithéâtre B
Public
Conférence du Collège de droit ouverte aux étudiants du Collège de droit
Mise à jour : 24 octobre 2024