La mise en place d’outils numériques dans les armées a entraîné des bouleversements organisationnels et humains qui ne peuvent être appréhendés d’un simple point de vue technique ou technologique. À l’hypothèse d’un milieu « cyber » distinct des autres fonctions des armées, nous proposons de substituer une analyse humaine et sociologique centrée sur le processus de « numérisation des forces ». Ce décentrement débouche sur plusieurs concepts qui permettent de compléter et d’enrichir l’analyse des processus de prise de décision stratégique. De ce point de vue, la création d’unités dédiées à la lutte informatique n’est sans doute que l’une des étapes nécessaires à une « intégration numérique des armées », laquelle nécessitera in fine une transformation et une adaptation de l’ensemble des forces au nouveau système technique de commandement et de coordination numérisé. Il semble dès lors nécessaire de distinguer « l’incorporation numérique tactique » de la « conjonction numérique stratégique », afin de remettre en perspective les dynamiques futures du processus de transition numérique des armées.
A propos de l'auteur
Antony Dabilaest post-doctorant à l’Institut d’Études de Stratégie et de Défense. Ses recherches portent sur les transformations du milieu humain constitué par les combattants et la manière dont la pensée stratégique s’adapte à ses transformations. Il enseigne la stratégie et les politiques de défense et de sécurité à l’université Lyon-III-Jean Moulin, Sciences Po Lyon et l’Institut Mines Télécom.