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[Retour sur la Nuit du droit 2023] La justice restaurative : trouver l’apaisement par le dialogue entre personnes condamnées et victimes

Publié le 27 juin 2024 Mis à jour le 27 juin 2024
Nuit du droit -  La justice restaurative
Nuit du droit - La justice restaurative

Article réalisé à l'issue de la table ronde " la justice restaurative : trouver l’apaisement par le dialogue entre personnes condamnées et victimes" le 4 octobre 2023 dans le cadre de la Nuit du droit à l'Université Jean Moulin Lyon 3.

Article 1 - Rédaction par Létissia GUENANE, Étudiante en première année de Licence Droit Science Politique

Patrick Mistretta, professeur de droit pénal à l’université Jean Moulin Lyon III était l’animateur et modérateur, avec auprès de lui cinq intervenants qui ont, par le biais de leurs expériences professionnelles, participé à un débat entrecoupé de scènes du film de Jeanne Herry : « je verrai toujours vos visages ».

Les intervenants présents : Geneviève SEGUIN-JOURDAN (référente dans le cadre de l’expérimentation) - Avocate au Barreau de Lyon ; Jean-François BARRE – Vice-bâtonnier au Barreau de Lyon ; Sophie MURACCIOLE – Première Vice-présidente du tribunal judiciaire de Lyon ; Déborah CAICEDO – Assistante coordinatrice de l’antenne sud-est de l’institut Français pour la Justice Restaurative ; Ana DE CASTILLA et Fabienne DUPLAT (animatrices, médiatrices et juristes formées à la justice restaurative) - Juristes de l’association d’aide aux victimes d’infraction pénale VIFFILAVI.

Cela fait plus d’une vingtaine d’années que l’on parle de justice restaurative. Intégrée en France grâce à la fameuse loi Taubira en août 2014, elle se définit comme un espace confidentiel de parole et d’échange entre l’auteur et la victime mais également l’entourage des personnes concernées. Elle peut intervenir à tous les stades de la procédure et peut être arrêtée à tout moment. C’est donc une démarche personnelle qui nait de la volonté de la victime. Puisqu’elle est indépendante de la procédure pénale, son contenu n’est donc pas communiqué au juge.

Comment l’avocat se situe par rapport à cette justice ? Maître Jean-François BARRE explique qu’un avocat de par sa fonction et sa mission a déjà un lien direct avec la personne atteinte ou condamnée qui va s’insérer dans le cadre de la justice restaurative. Ce processus fut mis en place en France à titre expérimental en pré-sentenciel (avant l’audience).

Quelle a été le défi en 2014 ? Pour maître Geneviève SEGUIN-JOURDAN, cela était de trouver un cadre sécurisant pour mener à bien l’expérimentation. De ce fait, la rencontre devait se faire dans un endroit qui se voulait neutre. Comme dit précédemment, le tiers indépendant présent lors des rencontres (afin d’apaiser le stress des victimes et auteurs) était un avocat honoraire.

Sophie Murracciole s’est penchée sur la question d’instauration de cette justice restaurative chez les magistrats car le souci dans les audiences est que les personnes concernées n’aient pas assez de temps pour poser toutes leurs questions, celles qui sont différentes de ce que l’on attend d’eux. C’est alors que la justice restaurative rentre en jeu. Il y a eu un sentiment de redevabilité du côté des juges car ils ont eu l’impression d’avoir agi trop tard.  Lors d’un échange judiciaire compliqué dans le cas d’une expérience de justice restaurative menée en 2019, dit-elle, le condamné a quitté la salle de débat par frustration.

Par ailleurs, depuis 2019 à l’association VIFFILAVI, des séances mensuelles d’analyse de la pratique sont organisées afin de pouvoir accompagner au mieux les personnes faisant recours à la justice restaurative. Durant ces séances, toutes les modalités de la future rencontre vont être discutées et par la suite, les personnes concernées vont donner leur consentement (qui peut être levé à tout moment). Les thématiques les plus retrouvées sont les cas de violences sexuelles, violences conjugales, délits routiers.

Néanmoins, il y a des limites au développement de cette justice. En effet, la problématique du financement se pose puisque de nombreux services souhaitent mettre en place ce dispositif mais sont sous-financés voire pas financés du tout. Il y a également un manque d’informations important et, par conséquent, peu de demande pour en bénéficier.
 

Article 2 - Chloé Grossi, étudiante en 3ème année de Licence de Droit

C’est autour du thème de la justice restaurative que se sont réunis le professeur Patrick Mistretta (Professeur de droit privé à l’université Jean Moulin Lyon III), Sophie Muracciole (Première vice-présidente du Tribunal Judiciaire de Lyon), Jean François Barre (Vice-bâtonnier du barreau de Lyon), Déborah Caicedo (Assistante coordonnatrice de l‘antenne sud-est de l’Institut Français pour la Justice Restaurative), Geneviève Seguin Jourdan (Avocate au barreau de Lyon), Ana De Castilla et Fabienne Duplat (Juristes de l'association d'aide aux victimes d'infractions pénale VIFFILAVI). L’échange s’est fait autour d’extraits du film « Je verrai toujours vos visages » de Jeanne Herry, sorti en mars 2023.

Le professeur Mistretta, modérateur de la conférence, a commencé par exposer le contexte de la justice restaurative. Cette dernière a été instaurée en France par la loi du 15 août 2014, la codifiant à l’article 10-1 du code de procédure pénale. Cette justice restaurative a vocation à intervenir à tous les stades de la procédure pénale, elle est confidentielle, volontaire et les faits doivent avoir été reconnus par l’auteur. Ainsi, auteurs et victimes dialoguent, échangent sur leurs perceptions et sentiments à propos de leurs situations personnelles autour d’un tiers indépendant. Le principal rôle de cette justice restaurative, que l’on dit aussi restauratrice ou réparatrice, est la reconstruction des victimes ainsi que la responsabilisation des auteurs en facilitant leur réintégration. Il a été souligné que c’est en responsabilisant les auteurs que l’on peut lutter efficacement contre la récidive.

Par ailleurs, il a été évoqué que cette procédure est la preuve qu’il y a d’autres moyens d’exercer la justice. Finalement, le procès n’apporte pas toujours une réparation efficace aux victimes et une écoute suffisante aux auteurs, par manque de temps et de moyens sans doute. Et c’est aussi cela qu’apporte la justice restaurative, une écoute neutre, un dialogue libre et constructif que la justice traditionnelle, malheureusement, ne peut pas toujours apporter.

Il a enfin été mentionné que cette procédure manque aussi de moyens humains et financiers. Sa mise en œuvre demande beaucoup de temps et d’investissement de la part de toutes les personnes qui s’en occupent. Elle manque aussi de se faire connaitre, même si le film de Jeanne Herry a permis incontestablement d’en parler davantage. C’est grâce à des interventions comme celle-ci que plus de personnes pourront la connaitre, la comprendre mais également en bénéficier.

Merci à tous les intervenants pour leurs mots et pour le partage de leurs expériences autour de ce thème.